Entretien avec le colonel Zoumari Salifou, Directeur National de la Faune de la Chasse et des Aires protégées (DFC/AP) au Ministère de l’hydraulique, de l’assainissement et de l’environnement
- Quelle est la situation de la faune au Niger?
Le Niger recèle d’importantes ressources fauniques qui fait de lui l’un des réservoirs de la biodiversité en Afrique. L’essentiel de cette faune se retrouve dans trois grands biomes notamment :
-Le biome soudanien dans lequel se trouvent le Parc national W(PNW), la Réserve Totale de Faune de Tamou (RTFT), la Réserve Partielle de Faune de Dosso (RPFD), la Réserve Nationale Naturelle de Kandaji (RNNK), et la zone girafe ;
C’est le domaine des grands mammifères notamment : l’éléphant, la girafe, l’hippopotame, le buffle, le bubale, le damalisque, l’hippotrague, les cobes, le lion, l’hyène, le phacochère, le lamantin etc.
-Le biome sahélo saharien avec la Réserve Totale de Faune de Gadabéji ; on y retrouve la girafe, la gazelle dorcas, la gazelle rufifrons, le chacal, le singe patas, le lièvre du cap, l’écureuil fouisseur mais aussi une grande diversité aviaire dont l’autruche à cou rouge, les oiseaux d’eau migrateurs et les vautours.
-Le biome Saharien ou désertique où se trouvent la Réserve Nationale Naturelle de l’Air et du Ténéré (RNNAT) et la Réserve Nationale Naturelle de Termit Tin toumma (RNNTT).
C’est la zone de gazelles dama, la gazelle dorcas, le mouflon à manchette, le babouin, le patas, l’Addax; l’avifaune est représentée par l’autruche à cou rouge, l’outarde arabe et les vautours.
Le Ministre de l’Environnement, Colonel MAIZAMA Abdoulaye et le Gouverneur de la région de Maradi, le contrôleur Général de la Police Mamane Issoufou, contemplant un troupeau des girafes sur la Réserve de Biosphère de Gadabédji
2- Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur ces espèces ?
Les principales menaces qui pèsent sur ces espèces sont : le braconnage, la fragmentation et la dégradation continue des habitats, la variabilité et changements climatiques, les feux sauvages, la surpêche, l’avancée du front agricole, l’insécurité et l’orpaillage etc.
Un couple de chacals à flacs rayés dans la RBG
3- Parmi ces espèces, quelles sont celles qui sont en voie de disparition ?
De manière générale, il est observé de plus en plus la disparition de plusieurs espèces surtout de la faune mammalienne, nous pouvons citer : l’Addax, la Gazelle dama, le Guépard, le lion, le léopard, etc. Parmi la classe des oiseaux toutes les espèces de vautours ont tendance à disparaitre sous les pressions anthropiques.
Certaines espèces de la faune ont disparu et sont considérées comme éteintes à l’état sauvage. Il s’agit de l’autruche à cou rouge pour les oiseaux et de l’oryx pour les mammifères.
Un groupe de singes Patas s’abreuvant à la fontaine du Poste de Filio
4- Quels efforts sont actuellement déployés pour préserver ces espèces ?
Sur le plan national, le Ministère en charge des Aires protégées déploie des efforts considérables à travers la création des aires protégées et l’inscription des Zones Humides comme site Ramsar d’importance internationale. En outre le Ministère assure la dotation aux unités de gestion en moyens humains, matériels et financiers nécessaire pour la préservation et la conservation de la biodiversité en général et celle des ressources fauniques en particulier.
Sur le plan international notre pays a signé et ratifié plusieurs conventions et accords internationaux, parmi lesquelles (i) la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) qui vise tous les niveaux de la biodiversité, (ii) la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction (CITES), (iii) la Convention sur la conservation des espèces migratrices (CMS), (iv) la Convention sur les zones humides (Convention Ramsar) et (v) la Convention sur la Lutte contre la Désertification (CLCD).
Les multiples efforts consentis par le Niger lui ont permis de conserver l’Addax et la Gazelle dama à l’état sauvage, ainsi que les dernières girafes d’Afrique de l’Ouest. Ces efforts doivent être poursuivis à travers une synergie d’actions en étroite collaboration avec tous les acteurs concernés. L’administration de tutelle reste l’acteur majeur, avec l’appui des communautés locales, du secteur privé et des ONG.
Les autruches introduites de la Reserve de Gadabeji
5- Comment les changements climatiques affectent-ils ces animaux ?
Le changement et variabilité climatique affectent négativement les espèces fauniques. Cela se traduit notamment par : la fragmentation des habitats, la perturbation des régimes hydriques (assèchement précoce des mares), la mauvaise répartition dans le temps et dans l’espace de la pluviométrie avec son corollaire d’inondations qui occasionne des mortalités considérables de la faune (cas des girafes de Gadabédji cette année) la dégradation continue des écosystèmes et l’amenuisement des ressources alimentaires pour la faune, l’émergence de certaines maladies (zoonoses). On y assiste également à un changement d’aire de répartition pour certaines espèces à travers des migrations et des mises bas précoces.
6- Quel est l'intérêt pour la population de préserver la faune forestière ?
Les ressources fauniques présentent un intérêt pour la population aussi bien sur le plan culturel, éducatif que socioéconomique. En effet la faune sauvage est omniprésente dans la culture des communautés riveraines des aires protégées (usage médicinale magico-religieux, croyance totémique). La présence de la faune procure des avantages considérables aux communautés à travers les revenus monétaires générés par le tourisme (création d’emplois) mais aussi les retombées de la conservation notamment les investissements multiples et multiformes réalisés par l’Etat et ses partenaires qui contribuent à l’amélioration des conditions de vie et d’existence des populations.
7- Comment le grand public peut-il aider à la préservation de ces animaux en voie de disparition ?
Par la participation volontaire et désintéressée aux efforts de conservation de ces espèces à travers une prise de conscience collective de l’importance et de l’irremplaçabilité de ces ressources ainsi que de l’impérieuse nécessité de sa préservation. Dans certaines mesures l’engagement du grand public autour des programmes de reproduction en Captivité (élevage non conventionnel de la faune sauvage) peut également aider à la préservation des espèces en voie de disparition
8-Quel sort est réservé à cette partie de la faune si la situation ne change pas ?
La plupart de ces espèces sont classées en danger ou en danger critique d’extinction par la liste rouge de l’UICN. Donc si la situation ne change pas, elles risquent de disparaitre. Cependant, une telle situation ne saurait se produire au vu des efforts qui sont consentis par l’état et ses partenaires.
Réalisation Rahila Tagou
Facilitation : ATTAOU Moutari